Il est rare que des participants ne soient pas satisfaits à l’issue d’une séance de codéveloppement : on y partage des idées, des points de vue, son quotidien, ses difficultés : ça fait du bien ! Mais c’est insuffisant. Le codéveloppement en a bien plus sous le pied et il est dommage de n’en exploiter qu’une partie en se limitant à « résoudre » des situations complexes.

En effet, l’origine du codéveloppement c’est avant tout de se développer professionnellement en prenant du recul sur sa pratique, la connaissance de soi et de sa façon de faire.

Quelque part, la résolution de problèmes n’est qu’un prétexte pour atteindre cet objectif de développement de soi.
Dans cet article, découvrez ou redécouvrez des clés pour cultiver l’exigence vis à vis du groupe, exigence d’aller au delà d’une simple « résolution » pour développer chacun là où il en est de sa pratique professionnelle.

  1. Une étape sous-estimée : le choix du sujet

Commençons par le commencement … Les sujets qu’on traite en codéveloppement sont délimités par un cadre spécifique qui favorise la prise de recul sur sa pratique. Trop souvent on constate que la majorité décide du sujet retenu, or, si elle aide à identifier des tendances d’intérêt et d’appétence, elle ne doit qu’être un premier pas pour l’identification du client. On peut en venir à choisir un client dont le sujet n’a retenu aucun vote ! 

Après le vote, plusieurs indicateurs vont aiguiller l’animateur sur le sujet le plus favorable à un apprentissage collectif lors de la séance. Apprentissage favorable à tous ne veut pas dire que le fond du sujet concerne tout le monde cela dit, mais plutôt que chacun peut apprendre grâce à cette situation sur sa pratique professionnelle. 

a. Un sujet non-technique

Le sujet ne doit pas être technique : il ne s’agit pas de réécrire un mode d’emploi ou la liste des « best practice » sur un sujet ou de dire « en moins bien », ce que tout un chacun peut trouver sur un forum, des cours en ligne ou un article.

b. La récurrence comme option favorable

Le sujet peut être récurrent : si le problème est récurrent, cela signifie que certains mécanismes à identifier se répètent encore et encore et empêchent la personne de sortir de ce mode de pensée. Un sujet en apparence « non-récurrent » et uniquement ponctuel peut aussi être un sujet récurrent pas encore identifié comme tel mais qui répond à des mécanismes ancrés similaires dans leurs fondements.

c. Une marge d’action = la zone d’influence

Le sujet doit être dans la zone d’influence du client, c’est à dire qu’il doit pouvoir agir dessus, au moins en partie. Il ne s’agit pas en codéveloppement de faire des doléances sur la façon dont les autres fonctionnent en demandant au groupe son aide pour changer le comportement d’une tierce personne.

d. On ne choisit pas tant un sujet qu’un client !

En soi, il n’y a pas de « mauvais » sujet de codéveloppement car c’est avant tout une personne que l’on aide (et non pas tant un sujet que l’on traite). Mais le sujet et la façon dont il est formulé nous en disent long sur ce jusqu’où la personne est prête à aller. Il est probable qu’un sujet en apparence « thématique » : « comment mieux organiser son temps de travail » indique que la personne n’est peut-être pas suffisamment prête à parler d’elle et impliquée. Car le sujet est générique : une thématique universelle. On peut y trouver une vraie dimension personnelle mais à l’animateur de le valider à travers quelques questions quand le sujet est présenté comme tel.

D’où l’importance de demander au client pressenti de la séance si il est vraiment partant pour être aidé, en lui précisant que cela l’expose et qu’il faut qu’il ait réellement envie d’être aidé. Autant que le temps de tous investi par chacun en vaille la peine … !

2. La logique de la consultation

« Nous ne pouvons résoudre un problème au niveau de pensée qui a contribué à le créer« . Einstein

L’intérêt du codéveloppement est justement de prendre du recul sur son mode de pensée. La principale attention lors d’une consultation est portée sur le mode de pensée du client (et par résonance celui des consultants). On cherche à comprendre ses croyances, ses « drivers », ses mécanismes. 

Pour résumer quelques principes : 

  1. Nous sommes partie prenante du système que nous observons. C’est à dire que nous contribuons à créer le problème par les représentations que nous nous faisons de la réalité. C’est pourquoi, nos solutions créent (en partie) le problème.
  2. C’est donc un travail sur la représentation du problème, mise en oeuvre dans une solution, que nous devons changer, en commençant par arrêter la solution qui entretient le système
Ces deux principes sont constitutifs d’une consultation de codéveloppement fructueuse. Voici ici le témoignage d’une facilitatrice les ayant appliqués :

« Je me souvenais d’une remarque que tu m’avais faite suite à mon animation de séance en formation : « on n’est pas censé l’aider (le client) à atteindre un objectif mais à résoudre ce qui empêche de l’atteindre … « Présenter le projet à des clients en leur donnant l’envie d’y goûter, n’est pas une demande de codev … » => J’ai été vigilante sur ce point (que je n’avais pas entendu auparavant) et cela a fait une très belle séance qui, au lieu de se limiter à des conseils, a permis d’avancer de façon significative pour la personne … et les autres qui étaient consultants ont trouvé des résonances pour eux. Beau moment !« 

3. Mise en oeuvre 

Aussi voici quelques conseils qui pourront vous être utiles : 

1. Questionner le système dans lequel évolue le client : qui y participe ? En quoi le client est-il en partie constitutif par ses représentations et actions du problème. 

2. Quelles sont les solutions que le client a déjà mises en oeuvre ? En quoi ces solutions renforcent potentiellement la problématique au lieu de la résoudre ? 

3. L’objectif du client étant souvent facilement identifié : qu’est-ce qui fait qu’il n’a pas jusqu’ici été atteint ? Quels freins, peurs, obstacles l’empêchent d’atteindre son objectif ? 

Un exemple : « Aidez-moi à développer mon activité commerciale » => La personne a tenté plusieurs solutions en vain, elle n’arrive pas à se lancer. Qu’est-ce qui fait que faire du commercial est difficile pour ELLE alors que d’autres y parviennent bien ? La peur de déranger ? La peur du refus/rejet ? La peur de s’exposer ? C’est à ces questions que s’attache l’étape de CLARIFICATION pour identifier les croyances et freins du client.

QUELQUES RÉFÉRENCES UTILES POUR CREUSER : (que je vous recommande chaudement)

http://neuromonaco.com/lettres/lettre22.htm

https://docplayer.fr/9241550-Les-bases-du-modele-systemique-de-palo-alto.html

Animatrice certifiée en Codéveloppement Professionnel, et passionnée par les enjeux d'intelligence collective à distance, Olga anime et forme aux nouveaux usages d'animation à distance.

Comments (6)

  1. Domnine BOUISSOU

    Répondre

    Olga, merci beaucoup pour cet article qui m’interpelle…J’ai quelques questions… Vivement que l’on puisse échanger en direct 🙂

  2. Répondre

    Bel article Olga !
    Je partage avec toi la conviction et l’expérience qu’il est nécessaire d’amener les consultants à interroger le système autour du client pour que chacun puisse en tirer des apprentissages bénéfiques pour chacun dans sa situation.

  3. Martine Compagnon

    Répondre

    Olga, je reconnais la subtilité qui guide vos pratiques. Voir ce qui sous-tend, écouter au-delà de ce qui est dit, et proposer autre chose que ce qui peut être trouvé facilement dans des ressources publiques… Cela donne tout son sens au co-développement. J’aime beaucoup l’idée de lever les obstacles plutôt que de résoudre la question. Bravo et merci pour ce rappel.

  4. Répondre

    Merci Olga, c’est passionnant, Lire Paul Watzlawick ne semble pas être une option ;-). Merci pour ces remarques qui ne peuvent qu’enrichir notre pratique et donner des séances plus pertinentes pour le client et pour tous les consultants !! on accède à un autre niveau de conscience. Une question me vient, si l’on sent un client fragile, n’est-ce pas risqué parfois de toucher à l’édifice par des questions plus existentielles ? Est-ce vraiment le lieu ? On peut oser avec des coachs, mais sinon ? Ne vaut-il pas mieux avoir à son actif 2-3 séances qui ont construit la confiance avec le même groupe avant d’oser.

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