À l’intention des facilitateurs d’intelligence collective, et en particulier des animateurs de Groupes de Codéveloppement Professionnel
Poser le cadre, définir les règles du jeu et du groupe, c’est le B-A ba de l’animateur.
Mesurons-nous à quel point la consigne et sa compréhension par tous sont vecteurs de
succès pour l’atteinte des objectifs dans un groupe ?
UNE AFFAIRE DE CONTEXTE
Prenons un exemple, invoqué lors de séminaires ou team-building. Si je demande aux participants de se transmettre une information simple sans parler, comment vont-ils s’y
prendre ? Naturellement, 80% d’entre eux vont mimer l’information à transmettre, la décomposer en rébus et gesticulations.
Parce que l’information à communiquer est simple, les participants se figurent que la réalisation de l’exercice est compliquée.

Griffonner l’information sur un bout de papier et le passer à son voisin serait trop évident sans doute … Alors qu’en réalité c’est la solution la plus efficace !
Une consigne, se définit donc avant tout par ce qu’elle dit et par ce qu’elle ne dit pas. Le contexte dans lequel elle est dite influence sa compréhension.
CRÉER LA PREMIÈRE TRACE POUR ÊTRE SUIVI
Donner une consigne, c’est comme ouvrir une porte : soit elle donne sur un champ des possibles extrêmement large, soit elle donne sur une route, si on prend le temps de la baliser.
En fonction de votre objectif : mesurer la capacité du groupe à travailler collectivement, ou l’amener à un endroit précis, … vous pourrez jouer de ces ambiguïtés ou les réduire à néant.
En tant que facilitatrice, j’ai appris à transmettre les informations les plus explicites possibles dans mes consignes, en partant du principe que chacun entend ce qu’il veut entendre.
Aussi je m’efforce d’expliciter chaque consigne en la reformulant au besoin après l’avoir énoncée une première fois : « Ce que je vous demande c’est de (…) ». < SILENCE > « Il ne s’agit donc pas de (…) mais bien de (…) ».

Sur SquareMeeting que j’utilise pour animer des groupes à distance, je demande aux participants de télécharger une photo de profil sur l’onglet « mon compte », de la même façon que Facebook vous propose régulièrement de mettre à jour votre photo de profil. À plusieurs reprises, je me suis retrouvée en séance avec des participants me racontant les péripéties par lesquelles ils étaient passés pour retrouver une photo de profil sur leur ordinateur, n’en ayant que « de face ».
Pour la personne qui la reçoit, une consigne n’est pas équivoque. Elle est perçue comme bien pensée dès le départ. La confiance que les groupes que vous animez vous font implique qu’ils ne doutent pas de vos consignes et qu’ils ne doutent pas que la réponse qui leur vient naturellement soit adéquate.
LA CONSIGNE, CHARPENTE DU CODÉVELOPPEMENT
Dans une séance de codéveloppement professionnel, la consigne est souveraine. C’est un
garde-fou. Elle permet au facilitateur de recadrer, faire reformuler, interrompre et
réorienter le groupe. Au final, voici tout ce que des consignes bien posées permettent d’obtenir dans une séance de codéveloppement :
1. Les participants sont à l’heure et la séance démarre dans les temps. Si l’animateur a pris la peine de préciser aux participants qu’ils sont attendus à l’heure voire en avance, ils prendront la peine d’y accorder un soin particulier. À l’inverse, si l’animateur ne dit rien à ce sujet et compte sur la bienséance, la réalité du quotidien (embouteillages, dentifrice égaré, …) aura vite raison de lui et de sa patience.
2. Les participants sont en mesure de présenter des sujets adaptés au format « codéveloppement », de les exposer au groupe sans trop rentrer dans les détails mais de façon à ce que chacun comprenne de quoi il s’agit avant de positionner leur choix sur un sujet à traiter pour la séance.
3. Le client de la séance (celui dont le sujet est choisi) est orienté pour présenter son sujet, ses rouages, ses implications, les parties prenantes et ses attentes vis-à-vis de la séance et du groupe. Aussi cherche-t-il à donner le maximum d’information et non pas seulement à dresser un portrait général de la situation.

4. Les consultants (on appelle consultants les participants qui aident le client de la séance à avancer sur son sujet) sont équipés pour poser des questions ouvertes (qui n’impliquent pas pour réponse « oui » ou « non »), et pour ne pas apporter de solutions déguisées à ce stade. Grâce à cela, le client de la séance parvient réellement à voir son sujet sous un autre angle de vue.
Sur ce point, l’équation est simple. Si par son questionnement le consultant cherche à « faire réaliser » quelque chose au client, il n’est plus dans le questionnement. Il ne cherche pas à découvrir quelque chose et a bel et bien une intention pour le client de la séance.
À l’inverse, si il veille à ne pas avoir d’intention et qu’il cherche à élargir sa compréhension du sujet, il est susceptible de poser des questions qui vont surprendre le client et le faire avancer.
En effet, on ne cherche pas tant à résoudre un problème en codéveloppement qu’à comprendre pourquoi c’est un problème pour le client de la séance. Si en tant que consultant je ne cherche pas à comprendre pourquoi la situation est problématique pour le client, je vais avoir tendance à lui montrer qu’en fait : soit la solution est simple, soit il n’y a pas de problème. Aussi, au lieu de l’aider à ouvrir le champ de sa réflexion, je l’incite à se refermer au-devant de mon analyse qui suggère : « tu n’as pas su gérer cette situation, moi j’aurais su » ou alors « moi qui t’entend parler de ton sujet depuis 10 minutes, j’en sais plus que toi ».
Au final, ce qui compte vraiment dans l’expression d’une consigne c’est le sens qu’on y met. « Si je vous demande de poser des questions ouvertes dans la mesure du possible, c’est parce que bien souvent des questions fermées cachent des solutions ou des jugements. Or je vous invite vraiment à considérer que vous n’avez pas encore la réponse au sujet du client de la séance. Je vous invite à chercher à élargir votre compréhension et prendre le temps de comprendre pourquoi elle est problématique pour notre client ».

5. Chacun est en mesure de reformuler ce qu’il a compris de la demande du client sous forme de question et non d’une synthèse analytique, qui peut être brutale pour le client de la séance. Entre une reformulation sous la forme de « Ce que je comprends de ton problème, c’est comment faire pour (…) » et « tu es dans une situation où (…) et tu cherches à (…) », la différence est considérable et autrement importante pour la protection du client de la séance qui, dans un cas reçoit un point de vue subjectif et assumé comme tel, dans l’autre, une étiquette à travers laquelle il est catégorisé et objectivé.
6. Les consultants ne se censurent pas pour proposer au client de la séance des pistes de solution, ils n’ont pas peur de dire de « bêtises » car ils savent que même une idée farfelue pourra inspirer le client.
7. Parce qu’il est dit au client qu’il n’a pas à se justifier sur les solutions qu’il ne garde pas, il réalise un plan d’action qui lui convient et qui lui correspond. C’est bien lui qui a toutes les informations pour juger quelles options lui paraissent pertinentes dans son contexte. Ce qui ne signifie pas que dans l’absolu les propositions qui ne sont pas retenues ne sont pas bonnes.
Personnellement, je trouve que la finesse du codéveloppement tient à la qualité des consignes posées. Le séquençage, finalement assez intuitif de décomposition d’un problème en différentes phases de clarification, prise de recul et reformulation, ne suffit pas sans la finesse des consignes, des règles et du cadre donnés au groupe.
Aussi mets-je en pratique cette vigilance au questionnement, en tant que facilitatrice et pour tenir au mieux le rôle que le groupe m’attribue, étant de les guider le plus rapidement et efficacement possible, d’un point A à un point B.
Domnine Bouissou
Olga Gilbert
catherine
SYLVIE LEONELLI