Note pour les lecteurs : si vous ne connaissez pas encore la méthode du Codéveloppement Professionnel développée par Adrien Payette et Claude Champagne, vous pouvez la découvrir ICI. Cet article aborde le sujet de l’animation de groupes avec cette méthode. Si vous ne la connaissez pas encore, la lecture de CET ARTICLE vous sera utile.
De plus en plus, les animateurs de Groupes de Codéveloppement Professionnel se voient demander par les organisations dans lesquelles ils interviennent, des certifications.
Pourtant, les fondateurs de la méthode, Adrien Payette et Claude Champagne, n’ont initialement pas orienté le marché du codéveloppement autour de labels et justificatifs.
L’enjeu de cet article est de montrer combien l’émergence de ce débat trouve son sens dans une réflexion plus large sur la puissance du codéveloppement. Et qui dit puissance en termes de bienfaits, dit peut-être aussi puissance en termes de nuisance … d’où l’importance d’une animation en conscience des enjeux et des risques.
Dans quelles conditions le codéveloppement est il sans danger et pourquoi peut-on parler de danger dans certains cas ?
Dans cet article, j’évoque les points de vigilance à avoir dans les groupes qui suivent les principes de la méthode initiale. Parce que le codéveloppement est plus qu’un processus théorique qu’on déroule étape par étape … **

Temps de lecture : 5 minutes
* Je ne reviendrai pas sur les cas que l’AFCODEV souligne dans son article et qui tiennent à une mauvaise compréhension de la méthode et de son cadre (par exemple, des groupes constitués de 14 personnes, de participants ayant des liens hiérarchiques entre eux : pour consulter l’article, c’est ICI).
** Cet article vise à mettre en valeur l’importance d’une pratique de l’animation régulièrement remise en question et ré-évaluée à l’aune d’expériences réelles vécues en animation. Parce que se former est un premier pas … mais qu’il ne suffit pas face aux enjeux de la pratique au réel d’une méthode si puissante.
Un cadre d’ouverture de soi aux autres
Parce que le codev par son cadre induit la confiance, la confidentialité et la bienveillance, on s’y ouvre à d’autres. Cette ouverture expose la personne dite « cliente » de la séance. Sans la bienveillance de mise et le respect des règles de fonctionnement du groupe, une séance peut rapidement tourner au vinaigre : perte de confiance en soi, sentiment d’humiliation, …
Et il en faut parfois si peu pour qu’une séance dérape ! Une simple remarque d’un participant, peut faire chanceler l’édifice. Par exemple, un « mais enfin, je ne vois vraiment pas où est le problème« . Les règles ont beau avoir été acceptées de tous, le facilitateur aura beau recadrer, … le mal est fait.
Au préalable d’une séance, l’animateur doit être en mesure de s’assurer que le cadre du codéveloppement est compris de tous et bien intégré. Lorsqu’il énonce les règles du groupe, il les explicite. Lorsqu’il aborde chaque étape du processus, il repose à nouveau ce cadre. Il doit pouvoir être attentif en début de séance aux risques que représentent certains participants dans leur posture ou comportement et éventuellement intervenir en amont, en rappelant par exemple que la phase de clarification est une phase de questionnement dans laquelle l’avis des consultants sur le sujet traité n’est pas bienvenu !

Dans la réalité d’une animation en entreprise, ressurgit parfois le climat actuel de l’entreprise, le poids des interactions passées entre les participants, etc.
L’enjeu se joue alors à différents jalons du processus :
1. Dès la constitution du groupe
L’animateur doit pouvoir se faire confiance sur les indices qu’il perçoit et qui pourraient lui indiquer d’être vigilant sur certains points voire d’oser questionner auprès du client la constitution du groupe.
2. Au début de la séance
Pour s’assurer que le groupe est bien sur la même longueur d’ondes en rappelant un principe de base si c’est nécessaire : « on ne cherche pas à voir dans quelle mesure on trouve la situation du client problématique, mais à comprendre pourquoi elle est problématique pour lui et à l’aider à y trouver des avancées concrètes« .
3. Tout au long de la séance
Séance durant laquelle l’animateur doit être attentif au non-verbal, ou au para-verbal quand il est à distance. Se faire confiance sur ses ressentis pour reposer certaines règles en cas de besoin, et surtout questionner le groupe sur ce qui se joue. S’il lui semble nécessaire de faire un « pouce » pour stopper la séance, qu’il se fasse confiance. Toutefois, un réel temps de mise en place permet bien souvent de faire l’économie de ces temps de pause qui freinent le « flow » de l’animation.
Un appel à la connaissance de soi
Animer du codev auprès de publics totalement novices n’est pas un problème. Toutefois, il peut être utile avant de commencer un cycle de séances, de sensibiliser le groupe aux principes du codéveloppement, de façon plus poussée qu’en introduction d’une séance.
Une personne que je connais commence ses cycles de codéveloppement par une demie-journée « connaissance de soi » autour du MBTI. Ainsi, elle permet à chacun de prendre conscience de son rapport à la collaboration, au travail d’équipe, à la résolution de problèmes, à l’apprentissage, …
Un autre moyen peut être de faire une initiation au groupe à la méthode du codéveloppement sur un temps dédié pour prendre le temps d’approfondir ses principes et laisser à chacun un temps pour poser des questions, comprendre et s’approprier.

Un enjeu de distinction sur la visée du codéveloppement : résolution de problèmes v/s apprentissage par les pairs
Si le codéveloppement permet de façon assez factuelle de résoudre parfois des situations problématiques, il permet avant tout d’apprendre par ses pairs et de faire évoluer sa pratique professionnelle.
Pas évident toutefois de mettre un groupe de personnes « opérationnelles », habituées à rechercher avant tout l’efficacité et l’action, dans cet état d’esprit. Pourtant, c’est bien la clé du succès.
À partir du moment où je participe à un groupe dans l’intention d’améliorer ma pratique en prenant du recul par un travail collectif sur des cas réels vécus par des pairs, alors, je ne suis plus dans une dynamique de « consommation » où une situation qui parait peu me concerner me poussera à être expéditif et dans le jugement. Je suis bien dans un état d’esprit où je cherche par le questionnement à investiguer un champ complexe pour y repérer des modes de fonctionnement, les objectiviser pour les re-choisir ou les abandonner et apprendre sur moi.
Le travail sur le choix du sujet permet notamment d’orienter une séance vers cet état d’esprit.
Lorsque les conditions suivantes sont réunies :
- Constitution réfléchie et questionnée du groupe
- Initiation aux principes du codéveloppement
- Travail sur la posture intellectuelle du participant et sur le type de sujet
- Eveil de l’animateur aux signaux faibles durant la séance
… alors le codéveloppement se révèle être une méthode puissante qui permet :
a. aux individus de changer de regard sur leurs pratiques pour faire différemment et franchir un cap
b. aux collectifs de fonctionner davantage sur des dynamiques de confiance et de bienveillance
Qui s’y frotte s’y pique … et se prend au jeu !
Ces éléments de vigilance étant posés, je ne peux que rappeler combien la puissance de la méthode créé des adeptes, voire des addicts ! Quel plaisir d’appartenir à une communauté d’entraide, constituée de pairs, de vivre des séances régulières et d’en ressortir toujours enchanté, mobilisé, en chemin, … à vous de compléter la liste !
Un participant m’a un jour partagé voir le groupe comme une « bouffée d’air » dans son quotidien complexe. Et combien l’air nous est vital ! Alors je n’ai qu’un mot pour terminer cet article : frottez vous au codéveloppement et piquez-vous au fin jeu d’intelligence collective qu’il propose.
martine compagnon
Olga Gilbert
Caroline Tiberghien
Olga Gilbert
Ludovic
Olga Gilbert
Andre CHARRASSIN